lire le livre La sagesse du potier

La mémoire de la porcelaine est redoutable. La structure tend à revenir vers sa forme de départ Les Orientaux commencent dès la fin du battage à orienter les particules en pétrissant en escargot, dans le sens du tournage. Au centrage, la motte est élevée en cône étroit puis écrasée en galette pour lui apprendre à tourner rond, ce dont elle se souviendra à la fin du tournage. Pendant le montage, tout mouvement de pression doit s’accomplir insensiblement, mais sans hésitation. Toute brusquerie est un traumatisme, toute faiblesse est une démission qui s’inscrit dans la matière comme dans le vécu d’un être. La cuisson se chargera de tout faire ressortir. Le jour où l’on connaît suffisamment sa porcelaine pour respecter son tempérament, tourner devient un bonheur absolu. La blancheur de la pâte, sa réponse au moindre geste rendent le tournage comme transparent. Il n’y a plus la main du dehors et celle du dedans. Il n’y a plus d’argile, mais simplement du vide en train de prendre forme.